jeudi 28 janvier 2010

L'attrape-dollars


Le tourbillon de l'actualité me rattrape de son souffle chaud et puissant. Encore une fois. Il aura ma peau. Pressé par madame de délaisser l'Europe élargie des derniers billets ("L'Islande, Barcelone... Tu es bien gentil mon chéri, mais on habite aux USA... Ecris local, c'est ton destin !), je m'apprêtais à rédiger un de ces petits feuillets bien sentis sur un drôle d'écrivain. Le patron d'une multinationale des mots.

Quand paf ! Tombe la nouvelle de la mort de J.D. Salinger. Et là, c'est drôle parce que mes deux hommes, Salinger et Patterson (le drôle d'écrivain) ont publié leur premier bouquin dans la même maison d'édition.

C'est leur seul point commun. Pour le reste, il n'y a pas plus opposés que ces deux-là. D'un côté, Salinger l'ermite, le romancier qui n'a rien publié depuis 1965, exécrable père aux dires de sa fille, celui dont "l'attrape-coeurs" est devenu un des classiques du 20ème siècle (vendu à 60 millions d'exemplaires). Et dont on attendait un ultime texte, une dernière pensée, qui n'est jamais venue.

J.D. Salinger, tellement vénéré par les ados du monde entier qu'il a inspiré une des chansons les plus cul-cultes d'Indochine.

(Entre parenthèses, je préfère les nouvelles de "Franny et Zoey" (Editions Robert Laffont, couverture verte, grain de la couverture épais comme de la toile à tableau.... Mmmm)).

Autant le terrible J.D.S. était avare de ses lignes (il n'a jamais répondu aux lettres de ses admirateurs), autant James Patterson (notre zigoto) déverse des fleuves de mots sur le monde entier depuis une grosse quinzaine d'années. Que dis-je, des fleuves de verbes, des torrents d'action, du suspens à n'en plus finir. Cet homme, c'est la Chute du Niagara de la prose contemporaine, un million de mots deversés chaque année dans la tête des lecteurs, au bas mot.

(J'adore ces photos du dernier NY Times magazine qui lui consacre un portrait, tellement représentatives du travail de l'homme-mots).


Pensez donc, rien que l'année dernière, il a publié neuf romans, dans des genres différents, sautant allègrement du thriller au gore, du roman "jeune adulte" au policier le plus classique.
Sa recette ? La co-écriture. James Paterson, ancien président d'une grosse boîte de comm' américaine, a publié son premier best-seller en 1993. Dès ce moment, il comprend le devenir de l'édition américaine. Il conseille à son éditeur de faire un méga-battage publicitaire. Le livre devient un best-seller. C'est le début de l'aventure.

Au fur et à mesure qu'il se diversifie, il recrute des co-auteurs (cinq à ce jour), qu'il a l'élégance de faire figurer sur la couverture de ses bouquins. A eux l'écriture du synopsis, l'enchaînement des chapitres, les dialogues. Il corrige, précise une action, affine le portrait d'un personnage, réécrit un passage, simplifie aussi.


Ses chapitres sont courts (deux pages maximum), il n'hésite pas à faire très très gore, les personnages sont peints à la tronçonneuse, ce qui simplifie les traits, vous en conviendrez.

Mais le plus important, à ses yeux, c'est que sa "littérature d'aéroport" (c'est l'expression américaine) se vend comme des petits pains. Ces dernières années, les ventes additionnées de Grisham, Brown et King n'arrivent pas à la cheville de celles de Patterson.


Il dit qu'il fabrique des histoires qui parlent aux gens dans un style lisible (il a 23 bouquins en cours). Stephen King, pourtant pas le méchant bougre avec ses collègues, dit de lui que c'est un "écrivain horrible".

Pensée de James Patterson : "Si vous voulez écrire pour vous-même, tenez un journal. Si vous voulez écrire pour quelques amis, faites un blog. Mais si vous voulez écrire pour une foule de gens, pensez un peu à eux. Qu'est- ce qu'ils aiment ? Quels sont leurs besoins ? Beaucoup d'Américains traversent leur journées comme des zombies. Ils ont besoin d'être divertis. Ils ont besoin de ressentir quelque chose."


Et la liste des "écrivains d'un livre"
- Alain-Fournier
- Raymond Radiguet

(Maintenant, à vous de jouer)

mercredi 27 janvier 2010

El Bulli (ode à la culture "pop")


J'aime les raccourcis de l'histoire, ces moments où tous les instants concourent à faire de la journée un moment de grâce, une écume goûteuse dans l'océan de l'année.

Par exemple, nous apprenons aujourd'hui que Ferran Adria a décidé de fermer son restaurant, El Bulli, pendant deux ans. Ferran, c'est le chef catalan, inventeur de la "cuisine moléculaire", qui a créé une nouvelle nouvelle cuisine (au moins post-nouvelle-cuisine-à-la-Française) à base d'additifs, de gélifiants, d'épaississants.

Les uns crient au génie, les autres au scandale. Inclinons-nous, pour une fois, devant le bon goût des Anglais, qui l'ont classé meilleur cuisinier du monde et se prosternent devant sa poudre de foie gras, son caramel au vinaigre de Modène, ou son oeuf de cent ans, à la chinoise, avec le jaune liquide à l'intérieur.

(Entre parenthèses, regardez le site, il est extraordinaire dans son genre... Etonnant de voir s'afficher les bouquins de la boutique, le restaurant n'étant pas particulièrement mis en avant... A raison de 200 euros par repas, il faut six mois pour réserver une des 53 tables.)

Mais après plusieurs saisons à 333 jours d'ouverture annuels, l'ami Ferran est fatigué. Le génie souhaite se reposer et revenir en forme dans deux ans.


Et voilà-t-y pas que par le plus pur des hasards sémantiques, j'apprends que le papier bulle a fêté hier ses cinquante ans (de Bulli à bulle, il n'y a qu'un "pop"). L'histoire est intéressante.

Le célèbre plastique alvéolé, inventé par un Américain et un Français, est devenu une institution populaire à tel point que le groupe "éclater le papier à bulles" rassemble 2 millions de fans sur Facebook. Il a même son jeu électronique.

Pour ceux qui préfèrent le réel au virtuel, vous avez le jouet adéquat, le bien nommé puchi puchi inventé par les Japonais.


Et la liste des "bulles aimées".
- Le Cordon rouge de Mumm (tout simplement).
- Art Spiegelmann, Sempé.

(Maintenant, à vous de jouer)

lundi 25 janvier 2010

Y a-t-il un pilote dans l'aéroport ?


Vous... Oui vous,
même vous qui ne prenez pas l'avion, vous avez remarqué comme les aéroports, ces derniers temps, se font remarquer pour leur indiscipline.

La liste des mauvais élèves commence à tenir de la liste de résolutions de la nouvelle année. Pour ne pas jeter l'opprobre sur les moins bien préparés, citons en vrac leur tableau d'horreurs.

Un amoureux arrêté pour avoir voulu embrasser son amie au-delà de la limite des barrières. Résultat : six heures de blocage. Un touriste ayant voulu faire le malin durant son départ en vacances en parlant d'une petite "bombe" qu'il aurait transportée. Bilan : jeté en geôle. Sans oublier le très récent voyageur, dont l'ordinateur a fait davantage sonner le portique que Big Ben le jour du mariage de Lady Di, et qui a pu tranquillement faire ses emplettes en duty free alors que la maréchaussée le cherchait partout dans l'aérogare.

Alors quoi ? Technologie partout, rigueur nulle part ? On a vaguement l'impression qu'en cette période d'armement progressif des terminaux de par le monde, le grand n'importe quoi est de sortie. Au nom de la vie privée, certains reprochent aux scanners corporels (photo du haut) de transformer chaque employé de sécurité en avatars du bon David Hamilton.

Mais il y a mieux... Le fromage. Nous savons qu'il est, grosso modo, interdit de transporter ce genre d'organisme vivant de la France vers les USA. Entre les aéroports européens, c'est une autre histoire.

Une passagère, partant de Charles-de-Gaulle vers l'Irlande, s'est ainsi plainte qu'on avait refusé l'embarquement à son brie. Explication : le douanier a considéré, lorsque le fromage est passé aux rayons X, qu'il avait une texture coulante voisine de celle d'un produit explosif. Des pots de miel ont été proprement vidés à cause de leur texture.

En revanche, une tarte à la crème a pu embarquer. Pourquoi elle et pas le brie, pas le miel ? Cette fois, c'est "l'appréciation visuelle" des hommes de la sécurité qui a joué en sa faveur.

Et je ne vous parle même pas du casse-tête engendré par ce passager transportant un fugu. Que faire ? Le cuire dans l'aéroport ?


Et une session de rattrapage, une. Evoquant les célébrités islandaises, j'avais omis la chanteuse Emiliana Torrini qui aime à se promener dans la jungle.


La liste des "joies de l'aéroport".
- Regarder les noms de produits exotiques dans les boutiques Duty free.
- Boire un café en attendant l'embarquement.
- Embarquer en priorité quand on a des enfants en bas âge.

(Maintenant, à vous de jouer)

jeudi 21 janvier 2010

Le pays de glace


A quoi reconnaissons-nous le blogueur qui, ayant subi une pernicieuse épidémie virale, s'est remis -merci bien- de ses ennuis gastriques ?

A ce qu'il se rue sur son clavier (enfin, trois jours après, soyons bons princes) pour parler gastronomie, boustifaille et autres rencontres culinaires.

Car, oui, mes amis, j'ai fait une découverte fort surprenante : celle de l'autre pays du fromage. Non pas celui qui nous fut vanté par les publicités télé voici une vingtaine d'années et qui alignait en une symphonie joyeuse, canaux paisibles, bicyclettes lourdes et solides, toiles de Vincent, blondes adolescentes et des goudas par meules entières.

Non, le nouveau pays du fromage dont je parle était connu jusqu'ici pour toute autre chose. Pour avoir inventé l'art du roman (selon Dumézil), pour une chanteuse excentrique souffre-douleur de Lars Von Trier et des groupes aux noms ailés (Sigur Ros, Gus Gus), pour un écrivain de polar sobre et humaniste et, de manière générale, pour ses noms de familles s'achevant par force "tir" ou "dur".

Mais ces derniers temps, l'Islande -puisque c'est de l'île aux geysers dont je parle-, était entrée dans l'inconscient populaire comme l'exemple parfait des dérives du capitalisme financier puisque les trois banques naufragées ont dû être nationalisées. La population locale ayant eu le mauvais goût de ne pas vouloir payer les 12 000 dollars de dette afférentes à la crise, l'île est en proie au désordre.

Dans ce maëlstrom, que reste-t-il de tangible, d'efficace à nos yeux ? Le morceau de fromage que me tendit la dame préposée à la dégustation chez Whole Foods. Il était rond, à mi-chemin entre le brie et le bleu. Dimon était son nom. Il nous a rejoint, dans le frigo de la maison.


Et la liste des "spécialités islandaises à goûter dare-dare (selon des blogueurs)"
- Le réglisse salé
- le mouton fume (hangikjot)
- Un fromage blanc bien compact (skyrr)

(Maintenant, à vous de jouer)
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vendredi 15 janvier 2010

Le sexe des livres


L'autre jour, en allant à la Bibliothèque municipale consulter des livres sur les tatouages (le sujet me titille depuis que j'ai lu cette citation : "il y a deux sortes de personnes sur terre : ceux qui ont des tatouages et ceux qui en ont peur"...), je vois des papiers posés sur une table. En me rapprochant, deux listes.

Une liste des "75 livres que chaque homme devrait lire" et son pendant pour les femmes.

Curieux de nature, je calcule le nombre de bouquins que j'ai lu dans ces deux listes. Et les faits ne mentent jamais : ma part féminine est beaucoup plus développée que mon côté viril. J'ai lu douze livres de la liste masculine... Et quinze sur celle des femmes.

Pour tout vous dire, ça fait un moment que je sentais le coup de la part féminine venir, les blogueuses rencontrées l'ont confirmé, ma mère doit être fort déçue. Madame s'y est faite depuis belle lurette, les enfants trouvent mon humour débile voire décalé. C'est l'influence de ma zone d'ombre, le yin ou le yan -je ne sais plus-, j'en suis certain.

Mais vous avez remarqué les bizarreries de ces énumérations ? Hormis le fait que ce genre de listes est débile (vous noterez qu'à son époque, j'avais acheté le bouquin de Pivot sur la "bibliothèque idéale"), celle des hommes ne comporte qu'une seule femme écrivain...

... Et celle des femmes, six hommes.

Cela prouve une chose. Que les femmes sont moins conservatrices que les hommes. Ou plus ouvertes. Ou que les hommes ont écrit plus de bouquins à destination du public féminin. Ou que les femmes lisent davantage que leurs maris. Ou que sais-je encore.

Notez encore que les deux listes comportent un écrivain - et un seul- en commun. Flannery O'Connor (photo en haut). Avec ce prénom venant de nulle part et ce nom de tourbe irlandaise, figurez-vous que c'est une femme. Qui vient du vieux sud, qui plus est.

Conclusion -provisoire- de cette chronique. Nous serons tous sauvés par les femmes, qui écrivent, et qui viennent du sud des Etats-Unis.


Et la liste des "citations d'écrivains sur leur boulot"
- “Lorsque je m'asseois pour écrire, un lecteur monstrueux surgit, s'asseoit à mes côtés et marmonne, "je n'y comprends rien, rien du tout". Quelques écrivains peuvent ignorer sa présence mais je n'ai jamais appris la manière de le faire". Flannery O'Connor.
- "Pendant mon sommeil, une armée de lutins descend dans le sous-sol de ma tête et travaillent toute la nuit sur mes pensées de la journée. Le lendemain matin, en me réveillant, je sais quoi écrire". Stephen King.

(Maintenant, à vous de jouer)

mercredi 13 janvier 2010

A la Madeleine (ou Proust à la colle)

C'est une honte finie, un délit majeur, que dis-je, une des actions les plus viles commises par l'homme des Amériques.

Nous sommes à "La Madeleine", établissement installé à Bethesda, la ville bordant Washington qui doit compter plus de Français que j'aurai de cheveux sur la tête dans dix ans.


La chaîne
compte une soixantaine d'unités, elle a été créée par un Français et se vante d'être une sorte d'ambassadeur de la boulangerie hexagonale. Les salades, tout à fait honnêtes, ne sont pas un morne avatar du plastique (c'est heureux mais les pâtes au pesto nagent dans une huile de marécage et les croissants sont un peu rugueux.

Ajoutez-y un faux feu à base de gaz et de bûches de ciment, ce qui se fait dans cette contrée quand on se veut chic et cosy et vous aurez un concept-restaurant qui plaît beaucoup aux salariés pour la pause de midi, aux personnes âgées pour papoter avec leurs copines, aux apprentis écrivains qui en ont marre de rester dans leur tanière.

J'étais donc dans une pièce à l'écart, entourée de bibliothèques et de livres, quand me prend l'envie -folle, je sais- de prendre un bouquin sur une étagère.


Au hasard, un tome des "Hommes de bonne volonté", au milieu d'une dizaine d'autres volumes de la série. Mais impossible de le sortir. En y regardant de plus près, il était collé à ses deux voisins.

Des livres siamois, voilà ce qu'ils ont fait, ces blasphémateurs. Alors, monsieur Patrick Léon Esquerré, vous avez beau être le créateur d'un nouveau chic français outre-Atlantique, ce n'est pas joli-joli ce que vous faites ou laissez acomplir en toute impunité.

Bien sûr, vous allez me dire que, pour rien au monde, vous n'auriez mis de faux livres en bibliothèque. On n'est pas chez Ikéa, certes oui. Mais pourquoi les coller les uns aux autres ? Pour éviter les vols ? Mais mon cher, plus personne ne lit le français de nos jours. Et puis les Américains sont autant plus respectueux du droit de propriété que vos anciens compatriotes.

Cependant, imaginez un peu que le Président Sarkozy s'aventure dans un de vos temples du bon goût et qu'il désire s'enquérir des aventures de "la Princesse de Clèves". Impossible. Rien à faire, elle est coincée entre Zadig et Jean Valjean.

Comme impossible n'est pas Français, moi, Yibus, j'ai décidé de rendre la liberté à ces ouvrages qui s'asphyxient. Selon la formule de je ne sais qui, un livre non lu est un livre mort. Vous ne voudriez pas avoir ces cadavres sur votre conscience, monsieur Esquerré ? Bien.

Vous ne prendrez donc pas ombrage si je décolle, patiemment, tous les livres que je pourrai trouver dans les trois bibliothèques que vous avez agréablement mis à disposition de vos client.


J'ai commencé par me faire la main sur "Salut au Kentucky", un charmant petit opus de Kleber Haedens, un des Hussards tombés dans l'oubli. Sachez qu'en venant dans, disons six mois, vous promener dans cet endroit devenu des plus agréables depuis quelques heures, nous pourrons parcourir ensemble -en savourant, bien entendu, votre cuisine- de bien belles pages. Si vous ne les connaissez pas, vous verrez, c'est agréable de lire.


Et la liste des "livres destructeurs"
- "Farenheit 451"
- "Le bûcher des vanités"

(Maintenant à vous de jouer)

mercredi 6 janvier 2010

Le "tsar" des rémunérations


Un article m'a passionné dans la dernière édition du New York Times magazine. Ce long papier raconte en détail le travail de Kenneth Feinberg, le juriste nommé à la mi-2009 par Obama pour fixer les salaires des 100 directeurs des banques passées sous le contrôle de l'Etat.

La question peut paraître pénible voire un tantinet décalée à l'heure actuelle -d'autant que la deuxième déflagration de la crise financière est attendue à partir de la fin janvier- mais elle est d'importance : combien vaut un banquier ?

Le principe du capitalisme financier qui déployait ses ailes jusqu'à la crise se veut simple, radical, à défaut d'être juste, : on paye au mérite et à la rareté. On a pu ainsi voir des rémunérations, bonus compris, pouvant atteindre des centaines de millions de dollars.

(En 2008, le salaire moyen des patrons était égal à 275 fois le salaire annuel moyen d'un Américain contre 24 fois voici cinquante ans.)

De ce point de vue, les illustrations de l'enquête du NYT magazine me paraissent bien senties.



Face à la colère de la rue ("main street") , notre homme Kenneth a dû faire preuve de diplomatie et de fermeté.

L'article raconte l'exercice d'équilibriste. Il a dû montrer à la rue qu'il n'est point de crime (en tout cas, de faute financière) qui reste impuni. Mais qu'il saque les salaires des dirigeants et une bonne majorité d'entre eux risque de faire leurs valises dans les six mois et ainsi de couler (une seconde fois) leur banque. Or, le système a besoin d'eux car l'objectif final est que les banques remboursent l'Etat, donc le peuple. Dilemme.

Petite parenthèse sur Kenneth. L'homme est avocat (très riche grâce à son cabinet, il a refusé d'être payé pour le job) et c'est lui qui a été chargé, après le 11 septembre 2001 de déterminer les compensations financières pour les victimes des attentats. Un travail similaire : combien vaut une vie ?

Bref, Kenneth est habitué à ce genre d'exercice d'équilibriste. Dans le cas des banques, sa stratégie
a été de proposer un plan de rémunération nettement inférieur aux standards en cours puis de demander à celles-ci leurs contre-propositions et enfin d'arbitrer.

L'article précise que Kenneth a été surpris du décalage entre le monde des banquiers et celui de l'Américain moyen. Il a été inondé sous les contre-propositions : plus de 2700 pages de commentaires, de tableaux en tous genres pour demander plus d'argent, justifier une rémunération fixe plus importante pour couvrir les frais d'entretien de trois maisons...

Sous ces tonnes de commentaires, se dégage une philosophie de base : "Je veux autant que mon voisin".

Au final, Kenneth a décidé d'allouer à chaque dirigeant un salaire de base minimum annuel (500 000 dollars) plus un bonus en actions de leur société. Finesse, ils ne pouvaient vendre leurs actions que deux ans après les avoir touchées. D'où l'intérêt d'être performants.

Qu'arriva-t-il après les grincements de dents? Deux banques (Wells Fargo et City Group) ont déjà remboursé quelque 45 milliards de dollars avancés par l'Etat américain et se sont donc dégagés de la tutelle de Kenneth pour fixer les salaires de leurs patrons....

Et le journaliste d'espérer, en conclusion de son article, qu'on demande à cet as de la médiation de conseiller les conseils d'administration pour fixer à l'avenir des rémunérations plus "justes".

Mais puisqu'on nous assure que le bout de la crise ne devrait plus tarder (et donc que les choses devraient repartir comme avant), Kenneth risque d'attendre encore longtemps le coup de fil...


Et la liste des "angoisses infimes du blogueur"
- Sujet compliqué : je fais ou pas ?
- C'est clair ou pas ?
- C'est quoi leurs thèmes de prédilection ?

(Maintenant, à vous de jouer)

lundi 4 janvier 2010

"Please touch" aquarium


J'avais fait le cake
, le faraud, pour tout dire agi en matamore en clamant qu'on avait décliné la balade en bateau dans le bayou. On savait que par cette vague de froid, il y avait peu de chances de voir des animaux. Et pourtant, nous avons craqué.

Lors de notre dernière soirée à La Nouvelle-Orléans, davantage saoulés par la douceur de la soirée que par l'alcool (nous avions acheté un petit pétillant 0° à boire avec les enfants...), nous avons réservé des places pour une balade le lendemain à midi pétantes.

Las, le 1er janvier nous trouve à nouveau frigorifiés et c'est bonnet sur les oreilles et doudoune sur le reste du corps que nous embarquons. Inutile de vous dire que nous avons aperçu une petite tripotée de hérons...


... des engins vrombissants...


... Mais point d'alligator... C'est drôle, moins on voyait les bestioles, plus le guide en parlait... Il a bien dû lâcher 500 fois le mot alligator en deux heures.

Jusqu'au moment où il a sorti une surprise de sa caisse.


Bon, je dois avouer que l'envie m'a pris de le sentir, ce jeune allig... (oups, j'ai failli le dire) d'un an qui se gelait sous nos doigts...

C'est même la partie préférée du voyage des enfants avec l'aquarium de la Nouvelle-Orléans où ils ont pu toucher un bébé requin et une jeune raie...

Pas mal équipé en poissons en tous genres, ce lieu s'est concentré sur deux espèces peu présentes dans les autres aquariums...



Et dire qu'on n'a même pas pu les toucher. Si ce n'est pas malheureux.

Une chanson d'un homme du sud, Tab Benoît.


La liste des "rites familiaux de Noël"
- Les enfants prennent un bain tout habillés le 24 décembre (institué depuis deux ans)
- On fait des crêpes (institué pour Noël 2010)

(Maintenant, à vous de jouer)

samedi 2 janvier 2010

Alabama song


Il y a des moments comme ça...
Le meilleur ami de notre formidable voisine lui prête un bouquin, elle nous le passe dans la foulée après lecture... Deux semaines plus tard, nous l'achevons, par un fort soupir pour ma part.

Cet "Alabama song" de Gilles Leroy est un excellent bouquin où l'auteur entre dans la tête de Zelda, femme de Francis Scott Fitzgerald et danseuse, peintre et accessoirement un très bon écrivain, laissé dans les oubliettes de l'histoire par les thuriféraires de son mari.

Dans l'épilogue de son livre, Leroy évoque un minuscule musée consacré au couple à Montgomery (Alabama), la ville dont Zelda est originaire.

Si madame avait repéré l'existence de ce musée sur Internet et inscrit sur notre agenda de visites, ce fut une tout autre paire de manches que de le dégotter. Rarement ville nous aura paru aussi fantômatique que Montgomery, capitale de l'Alabama, en ce samedi 2 janvier à 11h du matin.

Après pas mal de pérégrinations, nous débarquons enfin dans un quartier aux demeures plus splendides les unes que les autres. Et nous y voilà.


C'est la maison où le couple glamour, instable et maudit de la littérature américaine des années 20 vécut durant six mois de l'année 1931. On pousse la porte, on a l'impression d'entrer chez des gens à l'improviste. Un bonhomme débarque de ce qui semble être une cuisine, c'est le conservateur. On avait oublié de sonner à la porte.

Ce gaillard d'une cinquantaine d'années d'origine irlandaise (et spécialiste de l'armée française durant la révolution américaine) nous explique que deux pièces ont été aménagées pour accueillir le public. La salle à manger où sont présentées plusieurs éditions originales des livres de Scott en différentes langues...


... Et une petite pièce intermédiaire où sont exposés des tableaux de Zelda... Ils représentent des couples nus enlacés, semblant danser ou bien se raccrocher l'un à l'autre...

Notre conservateur vit dans les autres pièces du rez-de-chaussée dont la "sunroom".


J'ai oublié de lui demander quel effet ça faisait de regarder la télé à côté des Fitzgerald...

L'association qui gère la maison ne reçoit aucun fonds et vit sur les dons des visiteurs, une dizaine par jour. Le conservateur nous raconte aussi que la plupart des personnes ont pris leur parti : les pro-Zelda voient en elle une féministe avant l'heure...


Et les pro-Scott considèrent que cette femme schizophrène (enfin, c'était le diagnostic de l'époque) a contrarié le talent de son mari...


Comme notre conservateur, je reste neutre dans l'affaire. Dans la passion, il n'y a pas de faits, que des sentiments. Il lui a piqué des passages de son journal intime pour colorier ses héroïnes, elle a raconté leur vie dans ses nouvelles. Et puis, il y avait ce bon vieil Ernest (Hemingway), alors jeune écrivain à Paris, jamais en retard d'une beuverie qui s'intercalait entre les deux...

Et nous repartons après un dernier regard sur l'écriture de Zelda.


Encore une quinzaine d'heures de voiture avant les frimas de Washington. J'ai cet air qui repasse dans la tête.


La liste "des choses désagréables dans les motels"
- Les tableaux qui sont identiques au-dessus des deux lits doubles.
- Le chauffage qui fait un bruit infernal.
- Les serviettes toujours trop petites.

(Maintenant, à vous de jouer)